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ACTUALITE JURISPRUDENTIELLE DROIT DU TRAVAIL

1- Recevabilité de la preuve obtenue de manière illicite

  • C. Cass. Soc, 9-10-2024 n°23-14.465, F-D : recevabilité de la preuve concernant des documents litigieux provenant de sa messagerie personnelle ( article 6& 1 de la CEDH et article 9 du Code Civil)

Les documents détenus par le salarié dans le bureau de l’entreprise mis à sa disposition, sont, sauf lorsqu’il les identifie comme étant personnels, présumés avoir un caractère professionnel, de sorte que l’employeur peut y avoir accès hors sa présence.

Pour la Cour de cassation : dès lors que les documents litigieux découverts par l’employeur sur le bureau du salarié provenaient de sa messagerie personnelle, de sorte qu’étant identifiés comme personnels, l’employeur ne pouvait y accéder et les appréhender hors la présence du salarié, la cour d’appel aurait dû en déduire que la preuve avait été obtenue de manière illicite, sur le fondement des articles 6§1 de la CEDH, 9 du code civil, 9 du code de procédure civile et L. 1121-1 du code du travail.

LES FAITS :

En l’espèce, un salarié était licencié pour faute lourde avec mise à pied conservatoire.

L’employeur produisait, pour justifier le licenciement, des mails échangés par le salarié et une société tierce depuis sa messagerie électronique. 

 Le salarié soulevait l’illicéité du moyen de preuve produit par l’employeur dans la mesure où ces mails avaient été obtenus dans ses effets personnels alors qu’il n’était pas présent.  

La cour d’appel jugeait que les courriels produits par l’employeur étaient licites dans la mesure où les documents se trouvaient dans les locaux professionnels et que le salarié ne démontrait pas une fouille de ses effets personnels par son employeur.  

La Cour de cassation casse ce raisonnement et juge que : 

“En statuant ainsi, alors qu’il n’était pas contesté que les documents litigieux découverts par l’employeur sur le bureau du salarié provenaient de sa messagerie personnelle, de sorte qu’étant identifiés comme personnels, l’employeur ne pouvait y accéder et les appréhender hors la présence du salarié, ce dont elle aurait dû déduire que la preuve avait été obtenue de manière illicite, la cour d’appel a violé les textes susvisés.”. 

  • C.Cass. soc, 25 sept.2024 N°23-13.992 FS B : recevabilité de la preuve illicite ou déloyale résultant de l’accès à une clé USB personnelle du salarié

L’illicéité ou la déloyauté de la preuve obtenue au moyen de l’accès, par l’employeur à des fichiers informatiques, contenus dans une clé USB personnelle du salarié qui n’est pas connectée à un ordinateur professionnel, n’est pas synonyme d’irrecevabilité de cette preuve.

Une telle preuve peut être écartée dès débats que si elle résulte d’une atteinte à la vie privée qui n’est pas indispensable ou strictement proportionnée au but poursuivi.

RESUME :

 « Il résulte de l’article L. 1121-1 du code du travail que l’accès par l’employeur, hors la présence du salarié, aux fichiers contenus dans des clés USB personnelles, qui ne sont pas connectées à l’ordinateur professionnel, constitue une atteinte à la vie privée du salarié, de sorte que les preuves tirées de leur exploitation présentent un caractère illicite.

Il résulte des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et 9 du code de procédure civile, que dans un procès civil, l’illicéité ou la déloyauté dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats.

Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance : le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence,

  • le droit à la preuve pouvant justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi ».

LES FAITS :

  • Un salarié a fait l’objet d’un licenciement pour faute grave, après que son employeur a pris connaissance, sans son accord du contenu des clés USB personnelles qui n’étaient pas connectées à un ordinateur professionnel. Le salarié licencié y avait téléchargé, depuis les ordinateurs des personnels de direction et sans leur accord des données sensibles auxquelles il était censé ne pas avoir accès.
  • Le salarié reproche à la Cour d’Appel d’avoir validé son licenciement contestant l’existence d’une faute grave mais aussi soutenant que ce licenciement ne pouvait être fondé sur des éléments produits par son employeur et issus de l’exploitation sans son accord des clés USB personnelles qui n’étaient pas connectées à un ordinateur professionnel.
  • Le pourvoi mettait en avant le caractère illicite de ces moyens de preuve ainsi que l’incompatibilité de leur recevabilité avec le droit au respect de la vie privé  ( article 6&1 de la CEDH et article 9 du Code civil).
  • La Chambre sociale rejette le pourvoi et après avoir relevé que les faits étaient constitutifs de faute grave, approuve la Cour d’Appel de s’être fondée sur la production de la liste de fichiers tirée de l’exploitation des clés USB personnelles du salarié.
  • La Chambre sociale de la Cour de Cassation relève que l’appréhension de ces clés USB par l’employeur alors qu’elles n’étaient pas connectées à un ordinateur professionnel était indispensable à l’exercice du droit à la preuve dudit employeur sans pour autant être à l’origine d’une atteinte disproportionnée à la vie privée du salarié.

Ainsi deux éléments principaux se dégagent de cet arrêt

  • D’une part, le fait que l’employeur et hors la présence du salarié concerné puisse accéder aux fichiers contenus dans une clé USB personnelles qui ne sont pas connectées à un ordinateur professionnel est une atteinte à la vie privée du salarié qui remet en cause la licéité ou la loyauté de la preuve
  • D’autre part, l’illicéité ou la déloyauté dans l’obtention d’un tel moyen de preuve n’est pas synonyme de mise à l’écart systématique.

Cet arrêt se place dans le prolongement de la solution issue du revirement de jurisprudence émanant de l’arrêt rendu par Assemblée plénière le 22 décembre 2023 ( Cass ass, plen, 22 dec. 2023, n°20-20.648) qui rappelle que l’illicéité ou la déloyauté de la preuve ne conduit pas nécessairement à la mise à l’écart.

Il conforte également cette appréciation prétorienne des conséquences de l’illicéité de la preuve ou la déloyauté de la preuve dans le procès civil. L’arrêt de l’assemblée plénière du 22 décembre 2023 a aligné s’agissant du procès civil, le régime de la preuve déloyale sur la preuve illicite.

2-Vie privée/ vie personnelle du salarié- licenciement 

  • C. Cass. soc, 25 sept.2024 N°22-20.672 FS-B : le licenciement d’un salarié pour des motifs tirés de sa vie personnel n’est pas nul

Dans un arrêt du 25 septembre 2024, la Cour de cassation se penche sur les conséquences d’un licenciement fondé sur des faits tenant à la vie privée du salarié. Elle opère une distinction, lourde de conséquences entre la vie personnelle et l’intimité de la vie privée.

La première contrairement à la seconde, n’est pas une liberté fondamentale et ne bénéficie donc pas des mêmes effets à l’égard du licenciement.

RESUME :

Il résulte, d’une part, des articles L. 1235-1, L. 1235-2, L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail que la rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur n’ouvre droit pour le salarié qu’à des réparations de nature indemnitaire et que le juge ne peut, en l’absence de disposition le prévoyant et à défaut de violation d’une liberté fondamentale, annuler un licenciement, d’autre part, de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que la liberté proclamée par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen implique le droit au respect de la vie privée.

Doit en conséquence être cassé l’arrêt qui prononce la nullité de la révocation d’un salarié, ordonne sa réintégration et condamne l’employeur à payer une indemnité d’éviction, alors que le motif de cette sanction fondée sur des faits de détention et de consommation de produits stupéfiants à bord de son véhicule, constatés par un service de police sur la voie publique et étrangers aux obligations découlant du contrat de travail, tiré de la vie personnelle du salarié, ne relevait toutefois pas de l’intimité de sa vie privée, de sorte que, si le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, il n’était pas atteint de nullité en l’absence de violation d’une liberté fondamentale.

LES FAITS :

Alors qu’il était en voiture sur la voie publique et en dehors de son service, un agent de la RATP a été contrôlé par la police en possession de cannabis.

La police a estimé nécessaire d’avertir l’employeur en raison des risques générés par la sécurité des voyageurs et l’employeur a licencié pour faute grave le salarié pour « propos et comportement portant gravement atteinte à l’image de l’entreprise et incompatibles avec l’obligation de sécurité résultat de la RATP tant à l’égard de ses salariés que des voyageurs qu’elle transporte ».

Le salarié a contesté son licenciement devant le Conseil de Prud’hommes qui a considéré que la sanction était dépourvue de cause réelle et sérieuse.

  • La Cour d’Appel a infirmé considérant que le licenciement était nul comme reposant sur des motifs tirés de la vie privé su salarié et a ordonné la réintégration de ce dernier.
  • L’employeur a formé un pourvoi en cassation : Il faisait  valoir qu’un comportement du salarié sans rapport avec l’exécution de son contrat de travail s’il relève de « la vie personnelle du salarié » ne relève pas nécessairement de « sa vie privée ».
  • Selon l’employeur les faits ne relevaient pas de « la vie privée »du salarié donc le licenciement ne pouvait être jugé nul.
  • La Cour de Cassation suit le raisonnement et considère que la sanction fondée sur des « faits de détention et de consommation de stupéfiants à bord du véhicule du salarié, constatés par un service de police et étrangers aux obligations découlant du contrat de travail, tirés de la vie personnelle du salarié » ne relève pas de son intimité de sa vie privée et donc le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et ne peut être frappé de nullité en l’absence de violation d’un liberté fondamentale.

Cet arrêt opère une distinction entre vie personnelle du salarié et intimité de sa vie privée.

Si le licenciement est fondé sur des faits tirés de l’intimité de la vie privée, il pourra être considéré comme nul. En revanche, s’il est fondé sur des faits tirés de la vie personnelle du salarié, le licenciement n’encourt pas la nullité mais peut être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La Cour de cassation s’inscrit dans cette vision de la vie privée en limitant en l’espèce à l’intimité par opposition à la vie personnelle du salarié.

3- Inaptitude physique du salarié 

  • *C.Cass.soc, 18 sept. 2024, N°22-22.782 : Pas de remise en cause possible du caractère professionnel de la maladie ou de l’accident du travail reconnu par la CPAM. Cette décision s’impose au juge prud’homal.

« Lorsqu’un accident du travail ou une maladie professionnelle a été reconnu par la caisse primaire d’assurance maladie par une décision non remise en cause, cette décision s’impose au juge prud’homal auquel il revient, en application des dispositions des articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du code du travail, de se prononcer sur le lien de causalité entre cet accident ou cette maladie et l’inaptitude et sur la connaissance par l’employeur de l’origine professionnelle de l’accident ou de la maladie »

LES FAITS :

Monsieur J a été engagé en qualité de tuyauteur et a été victime d’un accident reconnu accident du travail par la CPAM. Il a été déclaré inapte et licencié après autorisation de l’inspecteur du travail pour inaptitude d’origine professionnelle et impossibilité de reclassement. Le salarié a saisi le Conseil de Prud’hommes pour obtenir divers sommes au titre de la rupture du contrat de travail et notamment avait demandé une indemnité spéciale de licenciement et une indemnité compensatrice de préavis.

  • La Cour d’Appel de Paris a débouté le salarié de l’ensemble de ses demandes :

Elle a dit qu’il n’était pas établi que son inaptitude est d’origine professionnelle. Elle a jugé qu’il appartenait au salarié de rapporter la preuve de l’accident du travail.

La juridiction prud’homale apprécie son existence de manière autonome indépendamment de la Juridiction de la sécurité sociale et de la CPAM. Elle a également considéré que faute de témoin direct et de constatations matérielles, un doute existe sur l’existence de l’accident du travail et a écarté l’inaptitude d’origine professionnelle. 

  • La Cour de cassation a sanctionné la cour d’Appel de Paris considérant qu’elle avait violé les articles L1226-10 et L1226-14 du Code du travail dès lors que la CPAM avait reconnu l’existence d’un accident du travail survenu le 7 novembre 2017.

Cette décision s’impose au juge prud’homal auquel il revient de se prononcer sur le lien de causalité entre cet accident ou cette maladie professionnelle et l’inaptitude et la connaissance par l’employeur de l’origine professionnelle de l’accident ou de la maladie.

  • *C.Cass.soc, 18 sept. 2024, N°23-14.652 : manquement à l’obligation de sécurité

« L’employeur, tenu d’une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, doit en assurer l’effectivité. En cas de manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, le licenciement pour inaptitude du salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse. »

Le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu’il est démontré que l’inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l’employeur qui l’a provoqué.

LES FAITS :

Madame S a été engagée en qualité d’analyste information par la société Canon France. Elle exerçait en dernier lieu des fonctions de responsable de département système d’information ressources humaines.

Elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

 La salariée s’était plainte notamment d’un état de « burn out. » et reprochait à son employeur de n’avoir rien entrepris pour l’aider à faire face à des horaires de travail supposés dépasser 11 heures.

Elle a saisi le Conseil de Prud’hommes pour voir déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir des dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de reclassement.

La Cour d’Appel a considéré que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné l’employeur à des dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de reclassement.

Elle a considéré que l’employeur avait manqué à son obligation de sécurité en ne prenant aucune mesure destinée à alléger la charge de travail de la salariée. Les conditions de travail avaient porté atteinte à l’intégrité physique de la salariée et avaient entraîné une dégradation de son état de santé en lien direct avec la déclaration d’inaptitude.

L’employeur s’est pourvu en cassation.

->La Cour de cassation rejette le pourvoi considérant que « le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu’il est démontré que l’inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l’employeur qui l’a provoqué. »

4- Médecine du travail

L’employeur, qui est tenu à une obligation de sécurité dont il doit assurer l’effectivité, a l’obligation d’organiser les visites médicales pour ses salariés.

Toutefois, le manquement de l’employeur à son obligation d’organiser une visite médicale d’embauche ou des visites médicales périodiques ouvre droit au salarié à des dommages-intérêts s’il justifie d’un préjudice.

 Le principe du préjudice nécessaire en cas de manquement de l’employeur à une obligation de sécurité a été remis en cause.

Auparavant, ce manquement causait nécessairement un préjudice au salarié ouvrant droit à des dommages-intérêts (Cass. soc., 6 nov. 2013, n° 12-16.529 Cass. soc., 12 févr. 2014, n° 12-26.241)(Cass. soc., 9 déc. 2015, n° 14-20.377 Cass. soc., 27 juin 2018, n° 17-15.438).

Désormais en cas de non-respect par l’employeur de l’obligation de soumettre le salarié à une visite de reprise dès la décision de classement en invalidité de deuxième catégorie, il appartient au salarié de démontrer l’existence d’un préjudice.

La cour de cassation a considéré que «en cas de non-respect par l’employeur de l’obligation de soumettre le salarié à une visite de reprise dès la décision de classement en invalidité de deuxième catégorie, il appartient au salarié de démontrer l’existence d’un préjudice ».

LES FAITS :

Madame R a été engagée en qualité de gardienne d’immeuble.

Elle a été victime d’un accident du travail et déclarée invalide de 2ème catégorie.

Puis, elle a été déclarée inapte à son poste de travail et licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

 La Cour d’Appel a rejeté la demande de dommages et intérêts pour non respect par l’employeur de l’obligation de se soumettre à un examen par le médecin du travail à la suite de la déclaration d’invalidité.

La Cour d’Appel affirmait qu’elle ne justifiait pas d’un préjudice né du retard dans la constatation de son inaptitude et du licenciement subséquent. La Cour de cassation a confirmé l’arrêt de la Cour d’Appel et rejeté le pourvoi.

 « Pour débouter la salariée de sa demande de dommages et intérêts, l’arrêt après avoir constaté que l’employeur avait manqué à son obligation de suspendre toute prestation de travail durant le congé maternité, retient que la salariée ne justifie d’aucun préjudice.

L’employeur s’est pourvu en cassation considérant que «  le seul constat de la fourniture du travail durant le congé maternité ouvre à réparation, sans qu’il y ait lieu de s’expliquer davantage sur la nature du préjudice qui en est résulté. La seule constatation de l’atteinte à son droit fondamentale à congé maternité lui ouvre droit à réparation. La Cour d’Appel a violé les articles 1225-17 et L1225-29 du Code du Travail, interprétés à la lumière de l’article 8 de la Directive 92/85/CEE du 19 octobre 1992 et des articles 9 du Code Civil et 8 de la CEDH.

La Cour de cassation considère qu’en statuant ainsi, la Cour d’Appel a violé les textes susvisées alors que « le seul constat de ce manquement ouvrait droit à réparation. »

LES FAITS :

Madame R a été engagée en qualité d’assistante de Direction le 16 décembre 2011 par une société de conseil immobilier. Elle a bénéficié d’un congé maternité à partir de juillet 2014, puis congé parental en août 2015. En novembre 2017, elle a démissionné de ses fonctions.

La salariée a saisi le Conseil de Prud’hommes notamment pour demander :

-des dommages et intérêts pour l’absence de visite médicale à l’issue du congé maternité

-demande de rappel de salaires au titre du 13ème mois, congés payés et dommages et intérêts pour travail dissimulé et dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail et indemnité légale de licenciement.

-des dommages et intérêts pour violation de l’obligation en matière de sécurité et santé au travail.

La Juridiction d’appel a jugé qu’il n’y avait pas à dommages et intérêts pour les visites médicales et le congé maternité car la demanderesse ne justifiait pas de l’existence d’un préjudice. Sur le salaire, la Cour d’Appel a retenu que les sommes en question faisant partie de la rémunération, ne nécessitant pas un tel rappel.

La salariée a saisi la Cour de cassation : La question est de savoir si la violation des droits relatifs au congé maternité nécessite pour la victime de justifier d’un préjudice ?

Sur la demande de dommages et intérêts pour absence de visite médicale, la Cour de cassation considère que la Cour d’Appel a pris la bonne décision dès lors que la salariée ne justifiait d’aucun préjudice.

En revanche a propos des dommages et intérêts pour violation en matière de sécurité et de santé au travail :

  • la Cour de cassation considère que la Cour d’Appel qui a pourtant constaté que l’employeur a manqué à son obligation de suspendre toute prestation au travail durant le congé maternité a jugé à tort que la salariée ne justifiait d’aucun préjudice pour lui refuser des dommages et intérêts alors que ce seul constat du manquement ouvre droit à réparation.
  • Cet arrêt se rapproche d’un autre en date du 14 février 2024 dans lequel la Cour de cassation rappelle que la simple constatation de la violation du droit à l’image d’un salarié ouvre droit à réparation. (Cass.Soc, 14 février 2024, n°22-18.014) :

Dans cet arrêt la cour de cassation considère que : «  en statuant ainsi alors que l’employeur ne contestait pas avoir utilisé l’image du salarié, pour réaliser une plaquette adressée aux clients, que la salariée faisait valoir dans ses écritures qu’il n’avait pas donné son accord à cette utilisation, et que la seule constatation de l’atteinte au droit à l’image ouvre droit à réparation, la Cour d’Appel a violé le texte ».

  • Cass. Soc, 2.oct 2024, n°23-11.582 : travailler durant un arrêt maladie ou un congé maternité n’ouvre droit qu’à des dommages et intérêts

Une salariée contrainte de travailler durant un arrêt maladie ou un congé maternité a droit à des dommages et intérêts en réparation de son préjudice mais pas à un rappel de salaire.

LES FAITS

  • Une directrice  régionale en congé maternité du 25 février au 6 septembre 2015 et plusieurs fois en arrêt maladie entre 2014 et 2017 accepte d’adhérer au CSP proposé par l’employeur dans le cadre d’un licenciement économique. Son contrat de travail est rompu à l’issue du délai de réflexion dont elle dispose.

Estimant avoir été contrainte de travailler pendant ses arrêts maladie ou congé maternité, elle saisit le CPH afin de demander des rappels de salaires pour les heures accomplies pendant ses arrêts maladie et congé de maternité ainsi qu’une indemnité pour travail dissimulé.

  • La Cour d’Appel la déboute de sa demande estimant qu’elle avait déjà perçu pendant les périodes de suspension de son contrat de travail, l’équivalent d’un salaire ou un substitut et donc ne peut prétendre à un double paiement
  • Elle considère qu’ayant été déclaré aux organismes sociaux, elle ne peut prétendre à une indemnité au titre du travail dissimulé,
  • En revanche : La Cour d’Appel considère que le fait de l’avoir contraint à travailler pendant ses arrêts maladie ou congé maternité lui a causé un préjudice et elle lui octroie des dommages et intérêts
  • La Cour de cassation approuve la Cour d’Appel d’avoir débouté la salariée de sa demande de rappel pour les heures de travail accomplies pendant ses arrêts maladie et congé maternité et indemnité pour travail dissimulé
  • En Revanche : elle estime que le salariée a été contrainte de travailler pendant les périodes de suspension de son contrat de travail et peut donc prétendre à des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi sans pouvoir prétendre à un rappel de salaire en paiement des heures de travail effectuées.
  • Pour la Cour de cassation l’exécution d’une prestation lorsque le contrat de travail est suspendu notamment par l’effet un congé maternité engage la responsabilité de l’employeur et se résout par des dommages et intérêts en réparation .

5-Licenciement économique

  • Cass. Soc, 23 oct 2024, n°23-19.629 : licenciement économique : l’offre de reclassement doit comporter à minima les six mentions prévues par le code du travail.

A défaut, d’une des mentions figurant à l’article D1233-2-1 du Code du travail, l’offre de reclassement est imprécise, ce qui caractérise un manquement de l’employeur à son obligation de reclassement et prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.

Selon l’article L1233-4 du Code du Travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°2017-1718 du 20 décembre 2017, avant de licencier un salarié pour motif économique, l’employeur doit mettre en œuvre tous les efforts de formation et d’adaptation, et lui faire des offres de reclassement sur des emplois disponibles situés sur le territoire national dans l’entreprise ou dans les autres entreprises du groupe.

Ces offres écrites doivent préciser l’intitulé du poste et son descriptif, le nom de l’employeur, la nature du contrat de travail, la location du poste, le niveau de rémunération, et la classification du poste pour permettre au salarié d’apprécier les caractéristiques des postes et se prononcer en connaissance de cause ( Art D1233-2-1 du Code du Travail).

Ces mentions sont–elles obligatoires ou seulement facultative ?

La Cour de cassation y répond en indiquant qu’à défaut de l’une de ces mentions, l’offre est imprécise, ce qui caractérise un manquement de l’employeur à son obligation de reclassement et prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.

LES FAITS :

Après avoir adhéré à un contrat de sécurisation professionnelle (CSP), une salariée conteste le bien fondé de son licenciement pour motif économique.

  • Elle soutient que l’offre de reclassement qui lui a été proposé et qui mentionnait uniquement un poste de magasinière à localité 3 avec reprise de votre ancienneté et au même niveau de rémunération, n’était pas précise faite de contenir les mentions prévues par l’article D1233-2-1 du Code du Travail.
  • La Cour d’Appel lui donne raison. Elle constate que l’offre n’indiquait ni l’adresse de l’entreprise ni son activité ni la classification de poste. Elle juge que la seule mention «  au même niveau de rémunération. « très insuffisante » pour permettre à la salariée de répondre valablement à cette offre.
  • L’employeur conteste et forme un pourvoi en cassation. Selon lui, l’article D1233-2-1 du Code du travail, n’exige pas que soient précisées au salarié l’activité et l’adresse de l’entreprise au sein de laquelle le poste de reclassement est proposé. Pour lui, dès lors que le poste et le niveau de rémunération sont précisés l’absence de mention du nom de l’employeur et de la classification du poste ne constitue pas une irrégularité de procédure ne suffisant pas en soi à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse.

Il ajoute que la salariée n’a dans son courrier de refus de l’offre émis aucune réserve ni demande de précision des caractéristiques du poste proposé. Elle s’estimait suffisamment informée pour décliner l’offre.

  • La Cour de cassation écarte cette argumentation et considère que l’absence d’une des mentions figurant à l’article D 1233-2-1 rend l’offre de reclassement imprécise, ce qui caractérise un manquement de l’employeur à son obligation de reclassement.

En l’espèce, dès lors que les Juges d’appel ont  constaté que l’offre de reclassement adressée à la salariée ne comportait ni le nom de l’employeur ni la classification du poste ni la nature du contrat de travail, ils ont pu valablement en déduire que l’employeur n’avait pas accompli avec loyauté nécessaire son obligation de reclassement se contentant d’une offre de reclassement imprécise et formelle ce dont il résultait que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.